Fin mai dernier je me suis fait une rupture complète de la poulie A2 de l’annulaire de ma main gauche. Presque 5 mois après, j’écris cet article pour aider et orienter tous les grimpeurs qui passent malheureusement par là.
La poulie qu’est ce que c’est ? En bref (vous en trouverez sûrement beaucoup plus sur internet), c’est une gaine qui permet de tenir les tendons fléchisseurs des doigts contre l’os. Il en existe 5 par doigt et les plus importantes sont A2 et A4 (mais ce sont aussi celles qui cassent le plus souvent !).
Le contexte
En mai dernier j’ai grimpé pratiquement qu’en falaise, c’était super ! Ma motivation était énorme et je passais vraiment de belles journées dehors. Seulement voila, les journées en falaise sont fatigantes et on ne s’en rend pas vraiment compte. Fin mai j’ai enchaîné 4 jours de grimpe avec un contest de bloc (Outdoor Mix Festival), une journée dans mon projet en falaise, une finale de bloc (OMix Fest) et un entrainement à TSF Voiron. J’avais prévu de me reposer ce 4ème jour (et j’en avais besoin) seulement vous savez comment c’est… on se fait facilement embrigader par les copains… Alors ce jour là j’ai fait une voie, deux circuits de rési et des suspensions.
Deux jours plus tard je suis partie grimper à Céüse, reposée! J’ai grimpé là-bas 2 jours – 1 jour de repos – 1 jour sans réelles douleurs si ce n’est une petite gène (comme un hématome) au niveau de la première phalange. Ensuite, je suis partie aux championnats de France Universitaire à Marseille. Et, sur l’épreuve de bloc, ma poulie a lâché au bout d’1h30 de contest, sur un cube en pince dont l’arête frottait sur ma poulie. Ça a fait un bruit bizarre, comme un craquement d’articulation.
Alors sachez qu’une poulie ne casse pas forcément en préhension arquée! Et attention à la fatigue!
La prise en charge médicale
Le lendemain j’ai passé une échographie qui montrait une rupture partielle (donc 1,5 mois de repos). Cliniquement je n’avais pas de « corde d’arc » vraiment apparente donc rien d’inquiétant. Mais heureusement j’ai été bien prise en charge par l’équipe de l’IMMS (Institut de la Main et du Membre Supérieur) à Marseille, et notamment le docteur André Gay que je remercie. Avec mon niveau et l’importance de cette blessure pour mes projets, j’ai dû faire une IRM supplémentaire. Celle-ci a directement montré une rupture totale. Ne vous contentez donc pas d’une échographie, le diagnostique n’est pas certain à 100% !
En cas de rupture totale deux choix sont proposés :
– Pour un niveau inférieur à 7b/c environ, 45 jours à 3 mois d’arrêt avec bague (orthèse doigt) puis reprise progressive. Une poulie fragile mais amplement suffisante se reconstruit.
– Pour des grimpeurs dans le huitième degré, opération et 3 mois d’arrêt minimum.
Se faire opérer était une évidence pour moi étant donné mes ambitions pour la suite. Seulement voilà, il existe deux méthodes d’opération. Enfin une ancienne et une nouvelle.
- La première méthode (la plus ancienne) consiste en une greffe. La reconstruction se fait soit en utilisant un fragment du ligament annulaire dorsale du carpe (prélevé par une courte incision à la face dorsale du même poignet) et fixé sur les moignons de la poulie rompue par des points ou des ancres, soit en utilisant un greffon tendineux régional. L’immobilisation est de 45 jours avec une attelle en plastique thermoformable et sur mesure prenant le poignet fléchi à 45° et les métacarpophalangiennes des doigts concernés en flexion à 90°. Puis 45 autres jours avec une attelle thermoformable de la phalange du doigt concerné.
- Une nouvelle méthode, réalisée seulement sur les grimpeurs de Haut-Niveau pour le moment, consiste en une suture de la poulie rompue sous 15 jours, avant qu’elle ne se nécrose. L’immobilisation est réduite de moitié, soit 21 jours d’attelle de poignet et 21 jours d’attelle de doigt.
La reprise a lieu dans les deux cas à 3 mois post-opératoire. Et la rééducation est la même avec un décalage chronologique (étant donné que le port de chacune des attelles n’est pas de la même durée).
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Après une visite au service Chirurgie de la Main du CHU Grenoble où l’on me proposait une greffe avec un délai de 3 semaines, j’ai finalement préféré redescendre à Marseille et me faire opérer rapidement avec la deuxième méthode présentée ci-dessus. Je ne suis pas médecin et je n’ai fait aucune étude sur le sujet mais la deuxième méthode me semblait plus appropriée dans mon cas. J’avais quelques amis qui étaient déjà passés par là (Manon Hily, Théo Cartier, Lisa Constantelli…) et pour qui tout s’était très bien passé. Je n’ai donc pas hésité longtemps et je me suite faite opérer une semaine après la rupture par le docteur André Gay à la clinique Juges à Marseille. (Un grand merci pour tout !)
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La rééducation
Une fois l’opération passée le plus dur est à venir. Il faut garder le moral et aller de l’avant ! Le premier mois est le plus important. Il est primordial de regagner très vite l’amplitude (surtout l’extension). Les deux premières semaines le travail est seulement en passif. Pour cela je me rendais tous les jours ouvrables chez mon kiné (Alex Hugonnard – Cabinet K2 à Grenoble). J’ai choisi de ne pas voir un kiné spécialiste de la main mais de garder le même que pour mon genou car j’ai confiance en lui. Ensuite, jusqu’à 21 jours, le travail devient très légèrement actif. On réapprend à fléchir les doigts sans aller dans la douleur et avec le kiné qui appuie très fort au niveau de la poulie. Puis à partir de 21 jours, le poignet est enfin libre et on passe sur une orthèse thermoformable de doigt. Au début mon poignet me faisait mal, mais ça passe rapidement. Le travail en actif s’intensifie chez le kiné. Parallèlement, les gestes du quotidien aident à la rééducation. A 45 jours, le doigt est libre (sans attelle). Petit à petit, la rééducation passe en actif contre résistance (kiné, patte à modeler, balles…). La résistance augmente avec les semaines. Il est important de ne jamais aller dans la douleur! Il faut également travailler les extenseurs pour s’équilibrer.
A côté de la rééducation, mon kiné a beaucoup agit sur le drainage de l’inflammation (qui a durée longtemps pour moi !). Mon articulation interphalangienne proximale (IPP) était un peu « rouillée » et je ne pliais pas le doigt entièrement et sans douleur jusqu’à 3 mois post-op! Le travail de la cicatrice est également très important pour éviter les adhérences et la rendre plus souple. J’ai eu une « boule de peau » dans l’angle de la cicatrice qui était gênante jusqu’à 2 mois post-op. Aujourd’hui ma cicatrice a complètement disparu visuellement et ma peau est presque aussi souple qu’avant!
La reprise
A 12 semaines post-op (3 mois) j’ai pu recommencer à toucher des prises (des bacs!). Les deux premières semaine je ne grimpais jamais deux jours de suite et pas plus de 3 fois par semaine. Puis 4 fois pendant deux autres semaines. Pour ce qui était du niveau c’était au feeling. Je reconnais que ce n’était pas facile de doser l’intensité, il faut se faire confiance. Evidemment, les sensations sont complètement différentes des autres doigts. Je ressentais comme une petite gêne, plus ou moins selon les jours… J’ai grimpé en tendu pendant presque 45 jours ! Au début le fait d’arquer (ou même de semi-arquer sur des bonnes prises) me faisait mal, et même le fait d’y penser. J’avais comme un blocage psychologique ! Pour ça, j’ai demandé à mon kiné qu’on réapprenne à arquer ensemble: j’arquais bêtement ses doigts ! Ou des objets ! Et petit à petit la douleur est partie et le blocage psychologique aussi. J’ai profité de cette reprise pour faire quelques jolies grandes-voies faciles au Cap Canaille et Rocher du Midi. Ça m’a permis de me faire plaisir dans des voies tranquilles 🙂
Aujourd’hui, j’arrive à tenir toutes sortes de prises sans gêne. Certes, je suis encore très faible en force de doigt mais ça va revenir! Je devrais recommencer à me suspendre et à arquer sans risque en novembre.
Et maintenant?
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Et pour finir, une bonne nouvelle : je pars ce jeudi aux Etats-Unis, pour grimper 3 semaines à Red River Gorge ! Ce trip était planifié bien avant ma blessure et je suis vraiment heureuse qu’il puisse quand même avoir lieu ! Bien sûr, les objectifs ont changé, ce ne sera pas un trip « performance » mais un trip « découverte et volume » qui je l’espère sera inoubliable ! Ce qui est génial c’est qu’il y a un énorme potentiel de voies magnifiques dans tous les niveaux.
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Et comme dit mon ostéopathe préféré, Pierre Lesne « Il faut vivre le moment présent à fond »!
Je vous tiendrai au courant ♡
Soso.
Hello,
Merci Solène, les témoignages comme le tiens sont une vraie ressource pour la communauté de grimpeuse et grimpeurs ! Merci !
Mon expérience rejoint la tienne et vient confirmer, il me semble, la limite de l’échographie en tant qu’outil diagnostic en ce qui concerne les lésions aux poulies.
L’IRM me semble être l’examen le plus adapté.
Je me suis blessé le 25 janvier dernier. J’ai fait une échographie qui montrait timidement une rupture/lesion partielle de la poulie A4 sur l’annulaire main gauche, pas de corde d’arc non plus. Après 1 mois et demi de repos/strap pas de mieux, j’ai réclamé une IRM a mon médecin du sport, IRM que j’ai passé le 10 mars et j’ai finalement une rupture total de A3 et A4. N’étant pas habitué à ce genre de blessure je n’ai pas été très réactif et les médecins du sport ou généralistes ne m’ont pas non plus conseillés de faire d’examens complémentaires, que ce soit l’échographie ou l’IRM, j’ai moi même pris l’initiative pour ces examens.
J’aurais aimé être mieux conseillé, ou que ma blessure soit prise plus au sérieux, pour gagner du temps sur ma convalescence et avoir plus de choix quand a ma future prise en charge.
J’attend un rdv de consultation avec un chirurgien de la main. Affaire a suivre…
Je me permet d’ajouter que, comme Damien, ce jour là je me savais déshydraté et j’aurais pu facilement éviter cette blessure en choisissant de ne pas grimper ce jour là et attendre d’être en condition.
Bonne grimpe à toutes et à tous et pensez à bien vous hydrater ✌
Très bon témoignage , était pas dans le haut niveau mais pas besoin de ça pour se faire mal ,surtout si tu sous estime les ptitbobo ,et pour bourriner, ça j’ai bourriner ..7a en kelk mois sans avoir jamais fais d’escalade ou de sport et a presque 30 balais ,ouai jme jette des fleurs dsl, mais la grimpe me manque a mort– je démissionne et j’y retourne… bref je raconte ma vie , mais ouai repos , hydratation et strap .. pas strap… encore en débat ^^ . peace à vous tous les bouffeurs de caillou
Tiens on dirait moi je suis devenu accro, j’ai découvert pendant confinement et n’ai commencé à grimper sérieusement qu’en moitié 2021. fin 2022 29 ans c’était le 7A en ayant jamais rien fait de mes doigts avant.
2023 des projets encore plus grand, et ça a été la blessure au doigt direct -_-
Hello,
Super texte merci pour ces infos.
J’aimerais juste rajouté quelque chose concernant la possibilité de se faire une poulie.
L’hydratation !
La rupture.
Comme toi j’étais sur un mouvement de pince avec la main gauche et encore en phase de fin d’échauffement en montant progressivement en niveau sur différent bloc. Ce boc s’est avéré plus dur que ce que je pensais. J’étais en en position arqué sur les doigts et deux gros craquement/claquement se sont fait entendre. Sur le moment je n’ai pas réalisé que c’était ma main. Je me suis même demandé si ce n’était pas la prise qui avait bougé ou le bois qui avait craqué. Je rejoint le top (2-3 mouvement).
Une fois à terre impossible de forcer sur le doigt.
Là où je suis amère c’est que n’y connaissant rien en médecine et autre je suis allé chez un généraliste qui n’est pas allé chercher plus loin. « ce n’est rien prenez 3-4 jours de repos et puis voilà »
N’étant de pas de nature a abuser j’ai tout de même continué à travailler dans un métier manuel en faisant attention car j’avais confiance en ce que me disait cette personne. C’est son métier…
Heureusement suite à des conseils d’autres grimpeurs je suis allé consulté plus loin.
Je suis actuellement en arrêt depuis 1 mois pour une rupture complète de poulie A4 sur l’annulaire également (1 semaine après le traumatisme). Je n’ai qu’une bague et rien de particulier à faire de plus que d’attendre selon le spécialiste qui s’occupe de moi pour ce cas (aucune relation de confiance (positive ou négative) ou autre je ne consulte pratiquement jamais et ne connaissais pas cette personne)
Les raisons de la rupture.
Après quelques recherches et en analysant les faits.
Je ne vois rien d’autre que l’hydratation.
Je suis allé au sport après une chaude journée de travail physique en début d’été et donc j’ai énormément évacuer d’eau par la transpiration.
Par mauvaise habitude je ne pense pratiquement jamais à boire durant la journée. Je bois certes toujours un demi litre environ 30/40mn avant d’arriver à la salle mais cela ne suffit pas à redonner l’élasticité ou la résilience (je ne sais pas si le terme est adéquat) aux différentes partie du corps.
Je suis peut être à côté de la plaque mais j’en doute.
J’étais sur un mood ou j’avais des nuit plus longue que l’habitude et la reprise post COVID fait que j’étais sur une fréquence d’une à deux par semaine.
Rien de plus qu’une grosse pince statique sur la main gauche aucun mouvement de choc. éventuellement une pression plus forte au moment de tirer sur la main pour monter mais honnêtement je ne sais plus trop le moment précis de la rupture.
En tout cas rien de comparable avec un pied qui glisse et qqun qui se rattrape en réglette sur 2 doigts.
Bref si comme moi vous ne buvez pas beaucoup faites attention.
C’est triste à dire mais ce ne sont des choses que l’on apprend qu’en faisant des recherches car cela nous est arrivé ou parce qu’un proche nous en parle suite à un évènement similaire. En tout cas en cas de grimpe récréative.
J’espère pouvoir récupérer, n’avoir aucune gène au travail et continuer sur mon petit niveau, max 7a en salle.
Bise à vous et à bientôt sur la roche 😉
Bonjour Solène,
J’ai besoin de voir un kiné pour mon genou sur Grenoble, et je voulais te demander quelle était ta pathologie que M. Hugonnard a soigné, et en combien de temps ?
Merci d’avance,
Anaïs
Ping : [English] Finger recovery program based on Stanish Protocol – Solène Amoros, le blog
Très beau témoignage.
La chirurgie combinée à l’utilisation d’orthèse thermoformable semble vous avoir permis de retrouver toutes vos facultés.
Bonjour,
Je ne vois pas en quoi le niveau en grimpe influence le type de prise en charge? Perso je trouve qu’à Ceuse une voie comme super Mario (6b sauf erreur) est plus traumatisante que bourrinator (8a)… J’ai eu une rupture totale A2 annulaire comme toi. 1 an d arrêt, aucune intervention et j’ai repris sans problème dans le 8 eme degrés que ce soit en bloc ou en diff. C’est clair que c est un sacrifice mais pas de risque d’arthrose prématurée à la clef. Voilà, c’est juste pour partager mon expérience et pour dire que la solution opération quasi systématiquement proposée / conseillée par les hôpitaux pour les grimpeurs de 8 eme degrés n’est pas forcément justifiée.. Sur ce, bon trop à red river gorge!
Bonjour,
Je ne dis pas que l’opération est la seule solution et qu’il faut passer par là à tout prix quand on grimpe dans le 8eme degré mais pour moi c’etait la meilleure solution à cette période de ma vie, avec mes ambitions. Peut être qu’à un autre moment oui, 1 an d’arret aurait suffit (même si j’en doute à cause d’autres facteurs, mon hyperlaxité par exemple me rendant fragile sur les tendons et ligaments en général). Je présente ici une méthode d’opération, après libre à vous de choisir! Ce n’est en aucun cas obligatoire pour regrimper dur c’est certain! Et ça dépend aussi beaucoup de la personne!
Pour ce qui est du niveau, peut être que la photo (de Bourrinator) porte à confusion, mais en réalité à ce moment là je travaillais Dures Limites (très contraignant sur les doigts). Et si quand même, en général le 6b est moins contraignant que le 8a. Même si on sait tous qu’en falaise un 6b peut vite être très dur!!