Les séances d’entraînement de volume sont-elles utiles?
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”Tu fais quoi aujourd’hui ?” – “Je sais pas, du volume peut être.”
La classique séance habituelle qui passe tout le temps, à toutes les sauces : la séance « d’entrainement » escalade de volume. Une grande classique indémodable quand on est un peu fatigué, et/ou qu’on ne sait pas quoi faire, et/ou qu’on s’entraîne sans ligne directrice. Que cela soit en voie ou en bloc.
Ce type de séance est-il intéressant ? Pertinent ? Efficace ? Peu de grimpeurs se posent cette question, non?
QU’EST CE QU’UNE SEANCE DE VOLUME EN VOIE ? EN BLOC ?
Le principe de base est d’accumuler beaucoup de voies ou de blocs, de difficulté modérée.
Pour une séance de voie, un grimpeur considère faire du volume quand il fait généralement un minimum de 6 voies sur la séance. Sans “trop forcer”.
Le bloqueur va quand à lui remplir sa séance en grimpant beaucoup de blocs, en ne tombant pas, ou très peu. Le nombre de blocs par série est souvent déterminé à l’avance. Les temps de repos entre les essais aussi.
Voilà des définitions souples et vagues. Néanmoins, il me semble qu’elles correspondent bien à la réalité de ce que je vois ou j’entends dans les salles d’escalade.
LES SEANCES DE VOLUME SONT-ELLES PERTINENTES EN TERME D’ENTRAINEMENT ? SONT-ELLES EFFICACES ?
Il m’arrive de faire ce type de séance en bloc. Ce sera dans une salle où je connais peu d’itinéraires où dans un secteur avec beaucoup de passages. Par contre, je ne perds quasiment rarement mon temps à faire du volume sur un mur à corde. Malgré tout, je peux faire du volume en falaise et en tirer des bénéfices.
LES SEANCES DE VOLUME EN VOIE
La capacité à récupérer, basée sur les qualités aérobie du muscle (son efficacité à utiliser au mieux l’oxygène inspiré, en très gros), est primordiale dans la performance physique du grimpeur. On parle généralement, grossièrement, de continuité, ou conti, dans notre milieu.
Pour développer ces qualités aérobie, il faut se confronter à un effort d’intensité faible à moyenne, sur de longues intervalles (je ne parlerai pas de HIIT ici, utilisant des intervalles courtes à haute intensité, ce n’est pas le sujet). Les anglos-saxons parlent d’ARC training.
Mais grimper des voies sur mur (15m au plus haut), en alternance avec son binôme, ne correspond pas à ce type d’effort. Le temps d’effort continu est trop court, et les pauses trop longues. Le volume en falaise, où les voies sont souvent plus longues et demandent plus de temps de grimpe par une gestion de l’effort plus complexe, a plus d’efficacité.
Donc, selon mon expérience (personnelle et d’entraîneur), mes connaissances, les séances de volume de voie en intérieur ont un intérêt très limité en terme de préparation physique. Les grimpeurs de voie basant leur entraînement à basse intensité sur ce type de séance stagnent généralement. Ils développent peu leurs capacités de récupération. Prenez du recul et observez!
Néanmoins, grimper beaucoup permet de progresser techniquement et mentalement. C’est indéniable. Mais il a bien mieux à faire que du volume de voise pour prendre de la « conti » quand on est un grimpeur de voies.
Pour un bloqueur, allez, disons que c’est déjà plus pertinent. Même si très peu de bloqueurs s’entrainent malheureusement à basse intensité. Ce qui est je pense une grosse erreur.
LES SEANCES DE VOLUME DE BLOC
L’expression “volume de force” me fait, au mieux, bondir, et normalement hurler. Parler de “volume de bloc” est déjà plus acceptable. Je préfère néanmoins de parler de “circuits de blocs”.
Ces séances sont efficaces pour progresser en bloc, tout comme en voie. D’autant plus efficaces si :
– On y introduit des contraintes mentales (visualisation, nombre d’essais max déterminé, travail de la concentration, de la respiration, etc).
– Des qualités techniques sont visées (par exemple travail de la précision, du placement du bassin, etc).
– La difficulté des blocs et les temps de repos sont bien gérés afin de rester dans une intensité suffisamment élevée sans générer de fatigue excessive (pas d’avant-bras qui gonflent). Les qualités de forces seront ainsi sollicitées de manière modérée mais pertinente. Tout en restant dans la réussite des blocs choisis. Trop de chutes révèle une difficulté trop élevée des passages (sans oublier de réajuster également les curseurs mentaux et techniques si besoin). Le grimpeur fatiguera trop vite et la séance sera trop courte ou trop fatigante s’il s’acharne. Cela n’est pas toujours simple d’être dans la bonne fourchette !
A mon avis, les circuits de blocs sont donc très intéressants pour les falaisistes comme les bloqueurs. Ce support permet de progresser efficacement mentalement, techniquement, ET physiquement. Tout est une question de dosage : forcer assez fort, en grimpant bien, avec peu de chutes, en évitant un maximum de générer de la fatigue rapidement.
QUE FAIRE À LA PLACE DES HABITUELLES SEANCES DE VOLUME DE VOIES ?
Comme je l’écrivais plus haut, le problème de la classique séance de volume de voie sur mur vient du fait que les temps de grimpe sont trop courts. Tu grimpes une voie, je grimpe une voie, puis tu grimpes, etc. Les qualités aérobies sont sollicitées sur des intervalles trop courts pour que cela induise de vraies adaptations.
Ce type de séance a une vraie utilité par son côté convivial. Ou encore quand on vient pour simplement pratiquer sans chercher à s’entraîner, pour la reprise ou encore pour travailler la grimpe à vue par exemple (contraintes mentales, contraintes techniques).
Pour réellement solliciter ses capacités aérobie, il va falloir augmenter le temps de grimpe continu. Avec par exemple :
– Un temps de grimpe minimum défini (20 minutes?). Sur une voie, une boucle, une ligne ou une traversée. C’est ennuyeux..
– Des voies par 2 (doublette), 3 (triplette), etc.
– En utilisant des désescalades ou des traversées pour rallonger les temps d’effort.
Il faudra être vigilant pour rester dans un effort d’intensité perçue faible à modéré. Nous sommes beaucoup à fonctionner avec un indice subjectif d’intensité ressentie appelé RPE qui varie de 1 à 10 (1/10 = effort très facile, 10/10 = effort maximal, voir l’échelle de Borg). Cela passe par des repères comme la vitesse et le type de respiration, ou encore la fatigue ressentie au niveau des avant-bras. Le RPE visé sera alors de 3/10 à 4/10, pas plus. Ceux que j’entraîne savent que j’appelle ça des séances à basse intensité.
Si l’effort est trop intense, on s’entraîne à générer de la fatigue et à la supporter. A résister. Alors qu’on veut apprendre à son corps à fonctionner sans en produire, et à l’éliminer rapidement si elle apparait. On reparlera de l’entraînement en résistance une autre fois. Il y a beaucoup de fausses croyances à ce sujet dans notre milieu.
DES SEANCES À BASSE INTENSITÉ VARIÉES ET INTERESSANTES ?
Ce type de séance à basse intensité doit constituer l’un des socles de votre entraînement (revoir cet article). Je ne conseille pas d’en faire qu’uniquement durant une lointaine période de préparation. Je pense qu’il faut en faire souvent ET régulièrement. Que tu sois un pur bloqueur, un pur falaisiste, ou un polyvalent. Certes, cela prend du temps, ça abime la peau, et cela devient vite ennuyeux si on tourne sur les mêmes prises, les mêmes voies. Et si le plaisir de s’entraîner diminue, votre motivation risque de s’effriter. Même avec des objectifs clairs et adaptés.
Pour éviter ce type d’entraînement crucial mais pouvant rapidement devenir démotivant, j’ai des clés. En voici quelques-unes.
Varier l’intensité
Efforts dégressifs, ondulatoires, pyramidaux. Autant de qualificatifs qui peuvent sembler abstrait. Il suffit pourtant de varier un peu l’intensité pour générer de la fatigue sans excès, pour ensuite s’entrainer à RECUPERER. C’est plus varié, et plus intéressant mentalement.
Quelques exemples :
– Doublette dégressive – Une voie qui fatigue à RPE 6/10 puis une voie très facile pour finir à RPE 3/10.
– Triplette pyramidale – Trois voies à la suite, voie 1 RPE 3/10, voie 2 RPE 6/10, voie 3 RPE 3/10.
– Pour l’ondulatoire, vous aurez compris le principe.
Varier les supports
Alterner entre des voies, des blocs, et des suspensions sur poutre est une excellente façon de travailler à basse intensité que j’apprécie beaucoup. Tu n’es même pas obligé d’avoir un canevas très précis. Une durée et un enchaînement préétabli de supports suffit. Tu te laisses porter par tes envies, tes sensations, et tu bouges.
Les gens que j’entraîne connaissent bien. En rajoutant un peu de renforcement musculaire, cela peut être encore plus varié et complet. Mais attention à ne pas sortir du cadre!
J’espère que cet article vous aidera à varier votre entraînement, pour plus de PLAISIR et d’EFFICACITE. Testez mes propositions, comparez, et je suis certain que vous récupérez plus vite entre les mouvements fatigants, sur les points de repos plus ou moins bons, et entre les voies. Sans parler de la diminution du risque de blessure, de l’amélioration de votre fluidité dans votre escalade, et de votre concentration. Et oui tout est lié, et chaque séance, voir même chaque exercice, offre plusieurs axes de progression. Il suffit d’en avoir conscience.
Bonjour,
Je grimpe dans une salle pourvue d’enrouleurs.
Pour ce type de séance j’enchaîne 5,6,7 voies de suite, avec un temps minimal de repos . Mais je crois que je fais une erreur:
De niveau max 6c tirant sur le 7a donc très moyen je fais ma 2° série entre 6a et 6b+ voire 6c en montant crescendo donc forcément je pioche sur la fin ( la 5°).
la 3° série est plus pyramidale.
Ne faudrait pas pas dans ce cas se limiter à 6a+ ?
Au plaisir de te lire .
Thierry
Salut Thierry, je dirais de faire plus souvent des séries pyramidales ou dégressives. Et de temps en temps tu pousses en crescendo. Les jours où tu te sens en forme.
Pratique les enrouleurs, hein!
Super article…
Avec des infos, des exos qui peuvent être adaptés à tous les niveaux de pratiques
Merci Rolland!
Et cette séance de volume, vous en pensez quoi?