[RETOUR D’EXPERIENCE] Entrainement escalade: fatigue(s) mentale, ou physique?
Partager la publication "[RETOUR D’EXPERIENCE] Entrainement escalade: fatigue(s) mentale, ou physique?"
La fatigue, compagne envahissante de nos vies. De nos vies de grimpeur et de nos autres vies. Une compagne dont on essaye en permanence de limiter l’apparition (non contrôlée) dans le Tetris de nos plannings professionnels, sportifs et familiaux.
Mais de quelle(s) fatigue(s) parle-t-on? Une fatigue étroitement liée à l’entrainement escalade? Une fatigue physique, mentale, émotionnelle, etc? Il très est souvent compliqué de répondre à cette question. Et pourtant la gestion de la fatigue est cruciale dans notre qualité de vie, dans la gestion des blessures, des périodes de forme visées, et dans le maintien ou le développement de la motivation. Je vous partage ici des expériences personnelles récentes sur ce sujet, et ma réflexion. N’hésitez pas à commenter cet article, je vous répondrai.
Une fatigue « mentale » ?
Janvier et février 2024 : je grimpe vraiment mal à l’entrainement (cqfd : escalade en salle). Des pensées négatives me prennent en otage dès que je grimpe dans un passage me demandant un minimum de concentration. Même avant de grimper, je suis incapable de visualiser positivement ma grimpe. Pourtant, je suis en plein cycle de force doigts.
De tout évidence-1, enfin je le croyais :
il faut que j’adapte ma préparation physique par rapport à ce que j’ai prévu (ce que l’on fait toujours selon le niveau de forme). Je vais alléger la cuisine avec des séances plus courtes que ce que j’avais envisagé. Pour cela, je réalise un test de force au Tindeq afin de bien recalibrer les intervalles. SURPRISE : je suis beaucoup, beaucoup plus fort qu’à la fin décembre. Les valeurs sont impressionnantes, c’est à dire +12%, +17%, … avec une progression sur toutes les préhensions et même en fermeture de bras ! (Attention je n’ai pas trouvé la potion magique, c’est juste que j’ai fait une longue pause sur l’entraînement à l’été 2023, donc les progrès sont ensuite plus faciles à provoquer)
De tout évidence-2, la vraie :
je suis très fatigué mentalement et il faudrait que je réorganise mon planning professionnel pour être moins sollicité. Pas simple vu le gros projet en cours…
J’ai donc continué à subir. A Buoux, deux semaines plus tard, je réussirai à me concentrer sur 3 essais en une semaine. Pour deux jolies croix rapides (photo de droite dans « Coup de Poker » à la Baume, que j’enchaine en deux essais). Le reste du temps, j’ai grimpé dans le 6 et je me suis régalé. Et c’est bien l’essentiel.
Une fatigue globale
Saint Léger du Ventoux, mi-mai 2024. Je finis cette saison 2023/24 péniblement. Epuisé par quelques semaines encore trop chargées par ci par là (désolé pour les clients/grimpeurs que je dois désormais refuser pour me préserver…) et trop de travail en soirée. J’ai malgré tout un petit espoir de me faire plaisir en falaise car j’ai réussi à garder un bon rythme d’entraînement. Les jours précédents on été fous (un stage à Buoux, des nouvelles planifications à lancer, la saison 2024/25 à anticiper, le projet du centre d’entraînement qui s’affirme, etc).
C’est imparable, je suis nul, et faible. En plus il fait chaud, l’horreur. Je suis fatigué mentalement ET physiquement avec une force doigt mauvaise. Si je tiens mal les prises, je n’ai pas confiance en moi, et ainsi rien n’est stable.
Le retour en salle avec des tests physiques confirmera les sensations : PAS DE FORCE. Alors on se calme, impensable de reproduire le même enchainement d’erreurs qu’en 2023 (voir cet article). Grimpe à basse intensité, travail technique, renforcement, cardio facile, glandouille, … Dix jours plus tard, cela va beaucoup mieux et je peux me préparer pour les trips à Céüse de fin juin et début juillet.
Alors voilà, je vous ai bien raconté ma vie d’entraîneur de varappe qui essaye de continuer à grimper pour lui et à s’entraîner (« Un coach qui ne s’entraîne pas est un imposteur » – Cette citation ne m’appartient pas! Mais disons que je la valide en grande partie…).
Allons un peu plus loin.
Je grimpe mal (moins bien que d’habitude ou que ce qui est prévu):
Suis-je fatigué?
On peut mal grimper sans être fatigué… il faut alors chercher des solutions du côté de la technique, de la motivation (c’est vaste déjà!). On peut aussi manquer d’entraînement, donc fatiguer vite, et avoir une analyse fausse de son ressenti.
Comment suis-je fatigué?
Comme vu plus haut, on peut être fatigué physiquement et/ou mentalement.
Sans « mental dans l’instant », c’est à dire concentration, confiance, visualisation positive, acceptation et gestion des pensées négatives, une grimpe de qualité est impossible. Pour se repérer dans ce domaine, il faudrait avoir des notions de ce que sont les habiletés mentales et de comment vous les utilisez. Voir par exemple notre livre « Le mental du grimpeur« .
La fatigue physique est plus simple à diagnostiquer, si on a des repères étant un minimum fiables (une voie habituelle, un temps de suspension, un nombre de tractions sur telle prise, etc). Cela peut très bien se déterminer sans capteur de force. Et si on peut déterminer quelle type de fatigue physique on subit, c’est encore mieux.. Cela demande encore plus de connaissances et de finesse d’analyse. Alors, fatigué en force, ou en endurance? Les deux peut être?
De toute manière, toute fatigue ou lassitude imprévue est à prendre en considération car elle accentue fortement le risque de blessure, de démotivation, de burn out ou de surentraînement. Une fatigue se répercutera inévitablement sur la totalité de la personne que vous êtes.
Pourquoi suis-je fatigué?
Pour avoir du recul, il est important de garder une trace écrite de sa pratique sportive en générale, et plus précisément de son entraînement en escalade. Cela vous aidera à analyser à froid votre organisation. On reproduit tous son propre schéma sans en avoir forcément conscience. Même (et surtout?) si il a des conséquences négatives! Avoir les évidences devant les yeux ne peut qu’aider à réagir. Cet égo qui nous pousse à en faire trop, ou pas assez. Le manque de variété dans l’intensité des séances peut également être une explication.
Comment en sortir?
Ok ok, il faut se reposer… pourtant se reposer c’est ce désentraîner et donc ensuite être potentiellement plus sujet à la fatigue… Se reposer oui, mais aussi revenir progressivement aux bases de l’entraînement que l’on ne doit jamais oublier (voir cet article). Ce sont le mental (PLAISIR et CONFIANCE), la technique, la basse intensité, la mobilité, le développement des muscles antagonistes, … et la force! Une alchimie pas simple qui demande du feeling et de l’expérience quand on sort d’une période difficile. Néanmoins un arrêt total est rarement bénéfique, si ce n’est dans les cas extrêmes.
Attention, je n’écris pas qu’il faut s’entraîner en force quand on est fatigué. Je dis juste que reprendre petit à petit la force permet de revenir en forme plus tôt. Attendre d’être revenu à son niveau pour s’entraîner en force? Tu peux attendre longtemps!
Pour conclure, n’oublions pas que la fatigue est une composante inévitable de l’entraînement. Il faut la limiter, la prévoir, et surtout l’accepter. Jamais la subir. Tout est une épineuse question d’organisation et d’analyse à postériori. Et n’oubliez pas de soigner votre hygiène de vie.
La fatigue. Uffff c’est pas facile à gérer. Merci pour nous apprendre.
« Un entraîneur que ne s’entraîne pas est un imposteur » j’adore ça.
Continue comme ça
Allez, SOLIDE